Où que je sois
Au début de l’année 2022, nous avons appris que le nouveau thème de la SGI était « L’année de la jeunesse et de l’essor dynamique ». À ce moment-là, je me suis dit que la première partie de cette thématique, soit « la jeunesse », serait naturellement prise en charge par les membres du Groupe de la jeunesse. Pour moi, « l’essor dynamique » signifiait que nous allions réaliser une progression sans précédent, que nous viserions des résultats élevés et que nous nous élancerions vers de nouveaux sommets ! C’est ainsi qu’en janvier 2022, je me suis fixé deux grands buts bien précis. L’un d’eux était d’aider ma mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, à obtenir une place dans un centre de soins de longue durée. Avec la détérioration de son état, elle avait besoin de soins médicaux accrus. Mon père, qui avait pris soin d’elle jusqu’alors, était tristement décédé l’année précédente. Il était donc urgent de faire admettre ma mère dans un établissement approprié. L’endroit où nous souhaitions la voir emménager avait une liste d’attente longue de trois ans. Malgré cela, c’était notre premier choix. Mon intention était limpide : que ma mère puisse s’installer dans cet établissement pour personnes âgées le plus tôt possible.
Mon second objectif était de soutenir notre fille, Miyuki, dans sa demande d’admission à l’université. Mon épouse, Kyoko, et moi récitions Daimoku devant le Gohonzon pour qu’elle soit admise à une institution où elle serait heureuse. Elle a finalement opté pour l’Université Soka d’Amérique (SUA), en Californie. Son frère, Shinichi, en est diplômé. Nous étions donc très enthousiasmés de son choix, ayant constaté la transformation intérieure qui s’était opérée chez notre fils, au fil de ses années d’étude à cette université. Être admis à la SUA représentait un immense défi, car seulement cent vingt étudiants, originaires de différents pays, y sont acceptés chaque année. De plus, nous pensions qu’il y aurait un nombre accru de demandes en 2022 en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19 durant laquelle les inscriptions avaient fortement diminué. Par ailleurs, les frais de scolarité et le coût de la vie en Californie étaient considérables. En dépit de tout cela, nous étions résolus à surmonter chacun de ces obstacles. Motivés par ces deux grands objectifs, nous avons récité Nam-myoho-renge-kyo beaucoup plus qu’auparavant.
Cérémonie de collation des grades de son fils Shinichi
à l’Université Soka d’Amérique, en 2018.
De gauche à droite : Kenneth, Kyoko (son épouse),
Shinichi (son fils), Koji (son fils) et Miyuki (sa fille).
En tant qu’enseignant au post-secondaire, je crois fermement à la valeur de l’éducation Soka qui s’attache à cultiver chez tous les élèves la sagesse, le courage et la compassion qu’ils possèdent de manière innée. J’avais toujours rêvé de faire partie de cette institution. Kyoko le savait et c’est pourquoi, à la mi-janvier, elle m’a encouragé à m’inscrire au programme de maîtrise de l’Université Soka d’Amérique. Dans un premier temps, je lui ai répondu que c’était impossible. Ce cursus n’accepte que six à huit étudiants parmi les plus talentueux. À l’époque, tout allait bien pour moi à l’école où je travaillais. Prendre congé pour poursuivre des études aurait entraîné une diminution de mon salaire et, évidemment, il nous aurait fallu payer les frais de scolarité de deux personnes. D’autre part, à cinquante-neuf ans, je me pensais trop vieux. J’ai immédiatement puisé des encouragements dans les écrits de Daisaku Ikeda[i], et j’ai repéré ce passage dans l’un de ses livres, intitulé : The Third Stage of Life — Aging in Contemporary Society[ii] .
Au cours d’un dialogue avec des étudiants inscrits à des cours par correspondance à l’Université Soka au Japon parmi lesquels se trouvaient des gens d’un certain âge, M. Ikeda déclarait :
« J’ai été inspiré par l’une des devises préférées du président fondateur de la Soka Gakkai, Tsunesaburo Makiguchi, qui dit : "L’apprentissage représente la lumière, et l’ignorance correspond à l’obscurité." Tout le monde a le droit d’apprendre. Apprendre, c’est quelque chose de merveilleux, c’est la lumière. Grâce à l’apprentissage, chacune et chacun d’entre nous peut créer un magnifique héritage au cours de sa jeunesse, de ses études et de ses combats, un héritage qui nous appartient et qui nous enrichit pour l’éternité[iii]. »
Et alors j’ai réalisé que « L’année de la jeunesse » s’appliquait peut-être aussi à moi finalement. J’allais devoir réveiller cet esprit juvénile pour m’accorder au rythme des étudiants plus jeunes. Après mûre réflexion, j’ai décidé de faire acte de foi et de me lancer. À ce moment-là, il ne restait que quatre semaines pour soumettre une demande avant la date limite. Alors que je rassemblais les documents requis en même temps que ma fille, je ressentais une joie exubérante. Soudainement, j’ai recommencé à faire des recherches et à rédiger des essais. Forcément, j’ai redoublé mes Daimoku. Au lieu de simplement réciter Nam-myoho-renge-kyo pour être admis à la SUA, j’ai prié pour atteindre un but encore plus élevé : obtenir la possibilité de mettre en pratique l’éducation Soka quoi qu’il arrive. Notre famille visait désormais trois objectifs ambitieux. Après avoir soumis nos demandes d’admission, nous avons dû patienter quelques semaines avant de recevoir une réponse. Cela nous donnait plus de temps pour continuer à faire Daimoku. Le temps d’attente a passé rapidement et, un jour, ma fille a reçu un courriel de l’université. Avec un sentiment mêlé d’angoisse et d’excitation, nous avons ouvert ensemble la pièce jointe : ma fille était admise à l’Université Soka d’Amérique avec une bourse d’étude substantielle. Nous avons tous bondi de joie. Nous savions que Miyuki vivrait dans le meilleur environnement qui soit pendant les quatre prochaines années.
Quant à moi, j’ai finalement reçu un courriel de la SUA. Je n’étais pas accepté, mais on m’informait toutefois que j’étais sur une liste d’attente. La décision finale serait annoncée d’ici le 31 mai 2022. Je me suis dit : « Super, je suis encore dans la course et j’ai six semaines de plus pour réciter Daimoku. » Entre-temps, des bienfaits ont commencé à se manifester. Une université thaïlandaise, avec laquelle je collaborais, m’a invité à m’y rendre en mai pour donner des conférences et pour discuter d’initiatives internationales pour nos étudiants. Cette invitation provenait directement de la directrice des relations internationales, la Pre Usanee Kulintornprasert, avec qui je travaillais en étroite collaboration depuis notre première rencontre en 2018. Juste avant mon départ pour la Thaïlande, j’ai eu l’agréable surprise d’apprendre qu’elle était non seulement membre de la SGI, mais aussi la responsable nationale du Groupe des femmes de la SGI en Thaïlande. C’est ensuite une université du Mexique qui m’a invité à enseigner à son campus de Guadalajara pendant quatre semaines au mois de juin, tous frais payés. N’y étant jamais allé, j’étais ravi qu’une telle occasion se présente à moi. De plus, ce revenu supplémentaire contribuerait à alléger le stress causé par notre situation financière difficile. Tout en me préparant pour ces voyages d’enseignement, j’ai continué à réciter Nam-myoho-renge-kyo pour que ma demande d’admission à la SUA aboutisse au meilleur résultat possible.
Le 31 mai, j’ai reçu un courriel m’informant que je n’étais pas accepté. Bien que déçu, je n’en étais pas pour autant découragé. Je sais que le Gohonzon a répondu de la meilleure façon à ma prière, celle de trouver un moyen de me permettre de pratiquer l'éducation Soka, quoi qu'il arrive. Le président Ikeda nous rappelle souvent que nous ne prions jamais en vain. Tout arrive pour une bonne raison. Il affirme également : « Si vous échouez aujourd’hui, remportez la victoire demain[iv]. » Une semaine plus tard, je débarquais à Mexico. Tandis que je me concentrais sur ma tâche d’enseignant, j’ai continué à prier pour l’admission de ma mère au centre de soins de longue durée. Durant mon séjour à Guadalajara, l’état de santé de ma mère s’est détérioré, et je me suis senti impuissant, car j’étais si loin. Elle avait absolument besoin des soins médicaux que seul un endroit adapté pouvait lui offrir. S’il y a une chose que j’aime faire en voyage, c’est d’aller découvrir les centres culturels locaux de la SGI. Un jour, avant de me rendre à mon cours, j’ai décidé d’aller au Centre culturel de la SGI du Mexique à Guadalajara. Il était fermé en raison de la pandémie de COVID-19, mais j’ai néanmoins récité le Gongyo du matin à l’extérieur, sur le trottoir. Quand des gens passaient à côté de moi, je faisais une pause et je les saluais en espagnol en leur disant : « ¡Hola! ¡Buenos dias! »4 Puis, me sentant revitalisé, je suis allé enseigner comme prévu. À mon retour à l’hôtel après mes cours, j’ai appris qu’on avait offert une chambre à ma mère là-même où nous souhaitions qu’elle soit admise, ce pour quoi nous avions tellement prié. On nous avait affirmé qu’il fallait attendre au moins trois ans avant qu’une place ne se libère, or cela n’avait pris que six mois. Je suis heureux de dire que ma mère s’y est bien installée et que nous pouvons lui rendre visite très souvent.
En août 2022, j’ai accompagné ma fille à l’Université Soka d’Amérique. J’ai éprouvé une vive émotion en mettant le pied sur le campus. L’endroit était empreint de la chaleureuse compassion de mon mentor, Daisaku Ikeda, qui avait fondé l’Université Soka. J’ai également ressenti la fierté qu’auraient éprouvée le président Toda [dont le rêve était de fonder une université] ainsi que celle du président Makiguchi [qui avait élaboré les principes de l’éducation Soka]. Cette année marque le trentième anniversaire du moment où j’ai commencé à réciter Nam-myoho-renge-kyo et je suis sans cesse émerveillé par son pouvoir mystique. Quand on récite Daimoku avec la plus grande détermination, on peut surmonter les obstacles et faire apparaître des bienfaits, à la fois visibles et invisibles.
Même si je n’ai pas été accepté à la SUA, toute cette expérience m’a aidé à approfondir ma foi. Au moment de dire au revoir à Miyuki et de prendre la route, j’ai repensé au message adressé par M. Ikeda à la promotion de 2026 de l’Université Soka d’Amérique. Il décrit ainsi les efforts constants de M. Toda pour mettre en valeur le potentiel latent de chaque apprenant :
« Au plus profond de la vie de l’être humain, se trouvent des potentialités aussi absolues qu’infinies. Chaque personne possède en elle-même une source à laquelle elle peut puiser une sagesse, un courage et un espoir illimités. Lorsque nous faisons jaillir et manifestons ces qualités, nous pouvons à coup sûr réaliser notre propre bonheur individuel, mais également établir la paix et la prospérité dans la société elle-même. Telle était la conviction qui l’a animé tout au long de sa vie[v]. »
Ces paroles puissantes seront le socle sur lequel je continuerai de baser mon travail avec mes étudiants tout au long des années à venir. Et comme me l’a rappelé un grand ami, je ne suis peut-être pas à l’Université Soka, mais, où que je sois, c’est là que l’éducation Soka est présente.
Publié en septembre 2023 ère nouvelle
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[i] Actuel président de la Soka Gakkai internationale (SGI).
[ii] Traduction libre. Daisaku IKEDA, The Third Stage of Life: Aging in Contemporary Society, World Tribune Press, 2016, p. 33-34. Publié en français sous le titre Vieillir dans la société contemporaine, Entretiens sur la troisième étape de la vie.
[iii] Traduction libre. https://www.daisakuikeda.org/sub/quotations/theme/success.html
[iv] « Allô, bonjour ! »
[v] Traduction libre. https://www.soka.edu/about/our-stories/founders-message-welcome-undergraduate-class-2026-and-ninth-class-masters-program