La victoire de la danse
Par Enakshi Sinha
Je suis une danseuse classique de profession depuis les 17 dernières années. Avant de venir au Canada, ma carrière avançait bien et j’étais parvenue à me trouver un créneau en danse classique. Ainsi, je dansais en solo tout en montant des spectacles de danse dans de grands festivals en Inde, en Amérique du Nord et en Europe. J’étais également active au sein de la SGI en assumant la responsabilité du Groupe des jeunes femmes dans mon chapitre. En 2005, j’ai eu la grande chance d’assister au cours de formation de la jeunesse de la SGI, à Tokyo, où j’ai rencontré le président de la SGI, Daisaku Ikeda. Je n’avais nullement l’intention de quitter l’Inde. C’était là-bas que je pouvais réaliser mes rêves et vivre ma passion en tant que danseuse d’Odissi, une forme de danse classique qui a une longue histoire. Mais, apparemment, mon destin avait d’autres plans afin de démontrer la grandeur de la Loi mystique de Nam-myoho-renge-kyo*. En 2006, peu après mon voyage à Tokyo, je me suis mariée et me suis retrouvée dans ce magnifique pays qu’est le Canada, sans attentes ni plans particuliers. Cependant, je savais une chose : j’allais continuer à danser quoi qu’il arrive!
Ma nouvelle existence, laquelle a débuté à Windsor, en Ontario, a constitué un énorme choc culturel pour moi. Ne sachant pas conduire, j’étais bloquée à la maison, loin de toute scène de danse classique indienne. Mais il y avait des pratiquants de la SGI et, pour moi, ce fut le point de départ pour reprendre le contrôle de ma vie, de mes rêves, et repartir à zéro. Sans tarder j’ai passé mon permis de conduire et j’ai ensuite pu assister régulièrement aux réunions bouddhiques. Malgré cela, les choses n’évoluaient pas comme je le souhaitais, car j’attendais d’une force extérieure un changement à ma situation. Je pensais n’avoir que deux options : soit d’abandonner mon rêve d’être une danseuse professionnelle, soit de déménager dans une grande ville comme Toronto pour y poursuivre ma carrière. Toutefois, mon mari, un pharmacien dont l’entreprise et la clinique prospéraient, n’était pas prêt à tout quitter. À la place, il m’a conseillé de faire surgir l’audace nécessaire pour créer la situation que je désirais. Et c’est ce que j’ai décidé de faire! J’ai trouvé un encouragement du président de la SGI, Daisaku Ikeda envers un nouvel immigrant au Brésil : « Récitez pour réaliser kosen rufu* au Brésil. Pour cela, donnez une magnifique preuve factuelle de ce bouddhisme dans votre vie et récitez devant le Gohonzon* pour vous donner la possibilité d’atteindre votre plein potentiel. » J’ai suivi cette directive à la lettre en décidant d’accomplir kosen rufu* au Canada. J’ai alors récité Daimoku* spécifiquement pour ma carrière et pour que Windsor devienne une cité culturelle florissante. J’ai présenté des spectacles dans des écoles et pour divers organismes de la ville. J’ai ouvert ma propre école de danse et je l’ai constituée en société à but non lucratif. Avec le temps, toutes les communautés de Windsor ont découvert la danse Odissi, et des élèves de tout âge se sont mis à l’apprendre. L’Université de Windsor m’a invitée à présenter une conférence sur ce sujet suivie d’une démonstration. Au même moment, j’ai reçu des invitations pour des festivals à Toronto, Montréal, Edmonton, Calgary et divers autres endroits du Canada.
Ensuite, j’ai décidé d’organiser un festival de musique et de danses classiques indiennes à Windsor pour que les gens n’aient pas à se rendre à Détroit ou à Toronto pour voir des spectacles d’artistes de renom. J’ai également récité Nam-myoho-renge-kyo tout spécialement pour créer un environnement à Windsor afin de sensibiliser les artistes et les compagnies artistiques à ce festival. J’ai présenté une demande au Conseil des arts de l’Ontario qui, malgré la forte compétition, m’a octroyé des fonds pour monter ce festival. C’est ainsi qu’a démarré Umang1, le premier festival de danse de deux jours à Windsor, avec des artistes professionnels célèbres de tout genre, venus du Canada, des États-Unis et de l’Inde. Ce festival s’est énormément développé et, je peux désormais affirmer haut et fort qu’il existe au Canada un endroit appelé Windsor où les gens connaissent très bien la danse classique indienne! J’ai également été sélectionnée comme membre du jury par le Conseil des arts de l’Ontario, une preuve que j’étais reconnue par l’industrie de la danse au Canada. Comme l’indique notre mentor, Daisaku Ikeda, c’est votre travail qui compte, et non l’endroit où vous l’effectuez ni le fait de devenir indispensable dans votre domaine de sélection.
Je vivais aussi à l’aise à Windsor qu’on peut le souhaiter, sans le stress financier que les nouveaux immigrants connaissent habituellement. Je me sentais vraiment chanceuse. Toutefois, en 2014, alors que j’étais en Inde pour recevoir le Prix international Nritya Shiromani à Orissa, mon conjoint m’a appelée pour me faire part d’un sérieux revers dans ses affaires. Il allait falloir radicalement diminuer notre train de vie et déménager au cours du mois suivant. Quand j’ai compris qu’il faudrait à nouveau repartir à neuf, je n’ai pas été ébranlée; j’ai plutôt accueilli la situation comme un nouveau défi. Je n’en étais pas heureuse, mais je n’étais pas inquiète. Mon mari a obtenu un contrat à Toronto, et nous avons quitté Windsor. Même si dans mes rêves les plus fous je ne pouvais imaginer comment cela arriverait, j’étais heureuse d’emménager à Toronto. À ce moment-là, je ne pouvais pas prévoir les nombreux obstacles, dont je n’avais pas conscience auparavant, qui allaient surgir de partout pour rendre notre vie aussi misérable que possible. Le contrat de mon conjoint a pris fin et il s’est retrouvé sans travail pendant presqu’un an, ce qui l’a grandement déprimé. Ma foi était de nouveau mise à dure épreuve : devais-je continuer à danser au cours de cette crise? Où devais-je plutôt prendre un emploi régulier « de 9 à 5 »? Néanmoins, je n’ai pas baissé les bras, consciente que le moment était venu pour moi de faire la preuve de la grandeur de la Loi mystique de Nam-myoho-renge-kyo.
J’ai récité Daimoku* pendant des heures et des heures spécifiquement pour notre victoire et notre sécurité financière. J’ai prié pour que ma carrière de danseuse redémarre à Toronto, pour mon bonheur, mais aussi pour subvenir financièrement aux besoins de ma famille. Je savais que cela n’allait pas être facile, car je n’avais pas de voiture pour me déplacer et je ne disposais pas d’espace pour répéter. En fait, je devais lutter pour des choses qui avaient été facilement accessibles à Windsor. Mon mari a lui aussi songé à remettre ma carrière en question. Mais je n’ai pas renoncé et suis restée déterminée et confiante. Comme le mentionne le président Ikeda : « Le bouddhisme enseigne que le cœur est comme un peintre de talent. Comme l’art, nos vies sont l’expression fidèle de ce qui se trouve dans notre cœur. » Et mon cœur savait ce que je voulais.
J’étais très heureuse d’être en contact avec tant de pratiquants enthousiastes dans le beau district Pure Gold et d’avoir accès à des réunions bouddhiques régulières. C’est ce qui m’a permis de tenir le cap et de retrouver la force pour recommencer à nouveau. J’assistais régulièrement aux réunions de notre district, je participais aux activités de la SGI par ma danse et j’ai aussi assisté à une conférence au Centre culturel et éducatif du Canada à Caledon en 2015. Des spectacles ont commencé à affluer de partout à Toronto, et j’ai repris mes tournées dans différentes régions du Canada. J’ai pu ouvrir ma propre école à deux endroits, Toronto et Mississauga, et j’ai été invitée à remplir des rôles principaux dans d’importantes productions avec plusieurs grandes compagnies de danse canadiennes. Mon propre spectacle a été sélectionné pour être présenté à NextSteps, une série de spectacles de danse du Canada. En 2015, avec ma troupe, j’ai été invitée à danser en l’honneur du Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, lors de sa visite à Toronto. Ça a été tout un bond pour ma carrière. De plus, mon mari est sorti de sa dépression et a trouvé un emploi permanent.
Je continue de me rendre à Windsor pour donner des cours de danse et, tous les deux ans, j’organise le festival Umang1. Je retourne régulièrement en Inde pour y donner des spectacles dans les grands festivals de danse. Lors de ma visite en 2017, j’ai eu la chance de chorégraphier le programme culturel pour l’inauguration du nouveau Centre culturel de la SGI du chapitre de Kolkata. Le conseil de planification de la Bahrat Soka Gakkai était présent de même que le vice-président de la SGI, M. Yoshiki Tanigawa du Japon. À mon retour au Canada, j’ai appris une nouvelle que je suis heureuse de livrer en toute modestie : sur 120 nominations pour les arts de la scène, j’ai été sélectionnée pour recevoir le Women Achiever Award 20172 de Dancing Damsels, un organisme à but non lucratif qui rend honneur aux femmes dans divers domaines pour leurs contributions audacieuses et nouvelles à la société. J’ai eu le grand honneur de partager la scène avec Roberta Bondar qui a reçu le Lifetime Achievement Award3.
Je sais désormais que ma mission au Canada consiste à propager kosen rufu par ma danse. J’ai commencé en Inde et je poursuis ici. Où que je voyage, je finis toujours par présenter cette merveilleuse philosophie à des amis ou à initier des dialogues poussés sur la pratique bouddhique, surtout après mes spectacles. Quand je suis arrivée en Ontario, je n’avais que mon mari, ma prière sincère et la SGI. J’ai éprouvé bien des joies, mais aussi beaucoup de déceptions et d’obstacles pour satisfaire ma passion et réaliser mon rêve d’être une professionnelle de la danse classique indienne. Mais en y repensant, ces défis ont représenté des occasions en or qui m’ont aidée à devenir une personne plus forte, plus déterminée. En conséquence, je m’engage à propager ce merveilleux bouddhisme par mon art, et à toujours maintenir l’attitude qui consiste à ne jamais renoncer et ce, tout au long de ma vie.
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* Consulter le glossaire en troisième de couverture.
1 Lumière de l’espoir
2 Prix pour les femmes pour l’excellence de leurs contributions.
3 Prix d’excellence pour l’ensemble des réalisations d’une vie.