Avec amour et patience, rien d’impossible!
En famille! De gauche à droite : Michelle, Malcolm, Allie,
Joseph et Soulaine.
Par Michelle Savard
Le fonctionnement compétent englobe l’espoir en l’avenir, la capacité à faire face aux difficultés et au stress, ainsi que l’adoption de mesures concrètes pour améliorer son propre bien-être. Certaines des femmes avec lesquelles je travaille ont été enlevées au cours d’une guerre civile longue de 21 ans qui a sévi en Ouganda. Elles ont été forcées à devenir épouses, soldates, porteuses et domestiques, à la fois pour les forces rebelles et pour les forces gouvernementales. D’autres ont vécu dans des camps durant la guerre, dans des conditions épouvantables. Après le conflit, beaucoup sont revenues avec des enfants, et ont été marginalisées par leurs communautés pour avoir accouché hors mariage. Ces femmes vivent dans la pauvreté, et nombre d’entre elles sont dans l’impossibilité de payer les frais de scolarité de leurs petits, mais elles sont malgré tout incroyablement capables. Avec un organisme communautaire appelé « Programme d’action pour les femmes en Ouganda », nous avons développé un projet fondé sur les besoins exprimés par vingt jeunes mères de Gulu, en Ouganda. Sur une période de trois ans, nous leur avons offert une formation visant à leur apprendre les droits relatifs aux femmes et à la parentalité, à se fixer des objectifs et à acquérir des compétences de base, etc.
Au début du projet, les femmes ont pris pour nom « Les Femmes en mouvement ». S’étant fixé quatre objectifs et un plan d’action, elles ont décidé de se rencontrer deux fois par mois afin de recevoir une formation et développer des liens pour se soutenir mutuellement. Elles furent également invitées à économiser 25 centimes à chaque réunion, car économiser ne serait-ce qu’un tout petit montant par jour peut contribuer à réduire la pauvreté. Le but de cette formation, en partant de l’établissement d’objectifs et en passant par l’épargne, était d’élargir leur vie car
« Faire preuve de créativité, c’est pousser la lourde porte grinçante de la vie elle-même. »1
Deux mois après mon départ de l’Ouganda, la participation à la formation a commencé à décliner et les femmes se sont mises à se méfier du gestionnaire de l’organisme. Les plus éduquées marginalisaient celles qui l’étaient moins, et peu d’entre elles contribuaient à l’épargne collective. J’ai néanmoins continué de réciter Nam-myoho-renge-kyo* pour acquérir la sagesse et le savoir afin de pouvoir toutes les soutenir.
En 2015, j’avais demandé à toutes les participantes de prendre des photos tandis qu’elles répondaient à la question : « Que chérissez-vous le plus? » J’ai rapporté leurs témoignages et, avec le soutien d’une merveilleuse jeune fille, qui pratique le bouddhisme maintenant, et celui de ma famille, nous avons organisé une exposition de photos à Montréal, récoltant ainsi la somme de 950 $. En 2016, j’ai demandé aux femmes de tenir leur engagement d’épargner et d’ouvrir un compte bancaire afin que cet argent puisse y être transféré. Encore une fois, aucune action ne suivit. L’explication derrière ce manque d’action reste complexe, remontant au temps de la colonisation et provenant de la dépendance créée par les ONG durant la guerre, en plus des années de marginalisation et du manque de confiance en « leur droit à une vie meilleure ».
Cette année-là, par hasard, j’ai rencontré des mères célibataires qui avaient formé un groupe d’épargne qui connaissait une belle réussite. En l’espace de sept mois, ce groupe dénommé « La Fierté des mères célibataires » avait économisé collectivement plus de 700 $. En 2017, à quelques exceptions près, les 42 femmes qui constituaient le groupe envoyaient leurs enfants à l’école. Elles prenaient soin les unes des autres et assistaient régulièrement aux réunions organisées par leur regroupement.
En fait, tout ce dont elles avaient besoin était de davantage de sessions de formation. À la fin 2016, j’ai eu la chance de recevoir le prix de recherche au doctorat du Centre de Recherches pour le Développement International. Cela m’a permis de prodiguer encore plus d’enseignement. Quand je suis retournée en Ouganda en 2017, j’ai invité « La Fierté des mères célibataires » à rejoindre « Les Femmes en mouvement » pour une formation en entreprenariat et une initiation à l’informatique. Ayant constaté l’harmonie, le respect et l’engagement de leurs consœurs, « Les Femmes en mouvement » ont ouvert un compte bancaire et établi des règles de conduite en l’espace de trois jours. À présent, elles empruntent les fonds recueillis grâce à l’exposition de photos. J’ai également appris que toutes ces femmes ont rejoint des groupes d’épargne au cours de l’année écoulée et qu’un bon nombre d’entre elles ont pu scolariser leurs enfants.
Nonobstant tous ces résultats, j’ai traversé des moments difficiles où je me suis sentie complètement découragée par ce projet, doutant de ma capacité à soutenir la créativité dont ces femmes avaient besoin pour améliorer leur vie. J’ai élaboré des stratégies et envisagé diverses possibilités. Cependant, les choses ont commencé à changer lorsque je me suis mise à réciter Daimoku* de tout mon cœur pour le bonheur de ces femmes, et que je me suis basée sur la sagesse de Daisaku Ikeda2, président de notre organisation bouddhiste. Je ne suis pas tout à fait sûre de ce qui a provoqué le changement au sein de mon groupe, mais je sais que la force de Nam-myoho-renge-kyo est infinie. Tout au long de ce processus, j’ai noué une profonde amitié avec ma traductrice et assistante de recherche, Susan, qui a été d’un immense soutien et une source d’inspiration. Nous avons mené plus de 150 entrevues ensemble. Parfois, le sujet de discussion était trop difficile à supporter. Nous en reparlions par la suite, nous pleurions un peu, nous nous encouragions mutuellement puis, le lendemain, on recommençait ! J’ai tant de fois voulu initier Susan à la pratique bouddhique, mais j’étais hésitante. Bien que l’on jouisse de la liberté de religion en Ouganda, le pays est majoritairement chrétien. Je suis donc restée sans mot dire et j’ai récité Nam-myoho-renge-kyo sereinement dans mon coin.
L’Ouganda compte près de 70 pratiquants de la SGI, environ 50 à Kampala et 20 dans la région ouest reculée de Bwindi. Alors que Susan et moi étions à Kampala pour célébrer son anniversaire autour d’un morceau de gâteau au chocolat, elle commença à me raconter ses défis et je laissai échapper que réciter Daimoku pourrait l’aider. Durant environ dix minutes, je lui ai parlé du bouddhisme de Nichiren Daishonin tandis qu’elle écoutait attentivement. Plus tard, nous nous sommes rendues à une réunion de district. Elle a tellement adoré les membres et la discussion, qu’elle récite Nam-myoho-renge-kyo et Gongyo* depuis ce temps. Au cours de la discussion, Amita, la responsable centrale de la SGI en Ouganda, mentionna qu’une réunion d’échange aurait lieu dans l’ouest de l’Ouganda. J’étais réticente à l’idée de m’y rendre, n’étant pas certaine si nous aurions terminé notre travail à Gulu à temps et, de surcroît, voyager dans ce pays représente une rude épreuve en raison de la chaleur, de la poussière et du mauvais état des routes. Malgré cela, Susan ajouta : « Quand aurons-nous encore cette chance? » Cela dit, elle rencontra de nombreuses difficultés en amont de ce voyage, allant d’un décès dans sa famille, d’une querelle avec sa mère, à des problèmes de garde d’enfants. Je lui ai alors expliqué la fonction des obstacles d’un point de vue bouddhique, ce qu’elle a compris à un niveau profond, devenant ainsi encore plus déterminée à se rendre à Bwindi.
Quelques semaines plus tard, nous avons entrepris le périple, très cahoteux et poussiéreux, de dix heures en direction de Bwindi… À notre arrivée, on nous conduisit dans une pièce d’une dimension de 8 x 8 pi2 sans électricité. Progressivement, 15 jeunes hommes y prirent place. Puis, deux jeunes femmes arrivèrent. J’étais si émue, nous étions à la frontière de l’Ouganda, à quelques minutes du Congo déchiré par la guerre, et j’étais entourée de jeunes gens pleins d’espoir et déterminés, œuvrant pour kosen rufu*. La nourriture et l’hospitalité que l’on nous a prodiguées reflétaient un engagement sincère et la révolution humaine nécessaire pour surmonter d’immenses difficultés financières. Les membres de Bwindi, qui ont une pratique bouddhique solide, sont déterminés à élargir leur vie et à partager le bouddhisme avec autrui. Le point culminant de cette fin de semaine était d’effectuer une marche en faveur de la paix initiée par un pratiquant. Quand nous sommes arrivés au sommet de la colline, nous avons pu assister à une présentation culturelle des Batwa, un peuple persécuté culturellement. Ils se sont ensuite assis et ont récité Daimoku* avec nous, faisant face au paysage vallonné. Ce fut un moment magique.
Initier Susan au bouddhisme de Nichiren Daishonin m’a donné le courage d’y amener trois autres femmes ougandaises. Comme le mentionne le président Ikeda :
« C’est seulement lorsque vous relevez le défi de la révolution humaine tout en restant fidèle à vous-même que les gens autour de vous commencent naturellement à vous faire confiance et à vous respecter. »3
Toutefois, après que je sois retournée au Canada, Susan a trouvé difficile de réciter Nam-myoho-renge-kyo* toute seule. Elle m’a quand même remerciée de l’avoir introduite à la pratique bouddhique et a mentionné qu’elle la partageait avec d’autres personnes. Elle a ajouté que l’un des responsables de la SGI de Bwindi l’avait récemment contactée pour l’informer qu’une membre de la SGI Italie était en route pour Gulu. Si nous n’étions pas allées à Bwindi, Susan n’aurait jamais été mise en contact avec cette personne. Récemment, elle m’a écrit : « Merci beaucoup pour les cadeaux. Ils sont si précieux pour moi, et les livrets de prière sont un merveilleux don. Trois personnes pratiquent déjà le bouddhisme à Gulu. Nous prions tous régulièrement avec la pratiquante italienne. C’est vraiment magnifique d’avoir des gens avec qui je peux réciter. Lorsque tu reviendras, je veux que Gulu soit devenu un district paisible grâce à mes Daimoku*. Je suis certaine que cela fonctionnera et que nous pourrons générer un impact concret. »
À chaque problème que nous surmontons par la foi et la pratique bouddhiques, nous créons un modèle pour remporter la victoire dans la vie, une expérience authentique à travers laquelle nous pouvons encourager beaucoup d’autres personnes. Le bouddhisme m’a éveillée à ma mission et m’a donné l’occasion de défier mon karma et de grandir. Je ressens énormément de gratitude pour cela. Je suis également profondément reconnaissante envers le soutien de ma famille. Ils ont révisé des dissertations, effectué des transcriptions et ont tous été bénévoles en Ouganda. Je réalise que la bonne fortune que j’ai attirée grâce à ma pratique bouddhique m’a permis d’obtenir le soutien incroyable dont j’ai besoin pour arriver à poursuivre ma mission.
1 Ikeda, Daisaku, www.ikedaquotes.org., traduction libre.
2 Actuel président de la Soka Gakkai internationale.
3 Ikeda, Daisaku, Traduction libre, For Today & Tomorrow, p. 351
* Consulter le glossaire en troisième de couverture.
Publié en mai 2019 Ère nouvelle magazine